LE MOT DU PRÉSIDENT

Président FFPABC Association bilan de compétences

             DAVID ZOUTE

                   PRÉSIDENT FONDATEUR

Fondée dans le contexte de la réforme Pénicaud en 2018, la FFPABC s’est donné pour objectifs d’informer, de former et de représenter les professionnels de l’accompagnement et du bilan de compétences autour de valeurs communes d’engagement, de partage et de service. 

Pour mémoire, avant 2018, le marché du bilan de compétences est régulé dans ses prix et controlé dans sa qualité par les Fongecif. Les prestataires sont sélectionnés sur la qualité de leurs offres annuellement et leurs prestations auditées environ un an sur deux par des experts métier. Trois points d’ombre principaux : les disparités des cahiers des charges d’une région à l’autre, des tarifs plutôt bas et un règlement des factures dépassant régulièrement les délais légaux.

Après bientôt 4 années de fonctionnement, qu’a gagné la profession dans cette réforme qui a vu le CPF devenir le financement n°1 du BC ? 

D’abord le nombre de prestataire a explosé, d’env 1000 habilités par les Fongécifs à plus de 3500 disposant d’un Qualiopi BC, et sans compter les innombrables sous traitants “indépendants” dont la qualification du lien de subordination au donneur d’ordre laisse songeur. 

Ensuite, et en dépit des alertes lancées vers les institutions en charge de la régulation du compte personnel de formation depuis 2020, la plate forme moncompteformation.gouv.fr continue de supporter des offres illicites, si ce n’est illégales,

Ainsi, on trouve encore des offres de BC d’une durée supérieure à 24h que la CDC aura financé rubis sur l’ongle pour près de 10M€ entre novembre 2019 et janvier 2023. A l’inverse, nombre de bilans de compétences auront été financés pour une durée inférieure à 8h, ce qui semble tout à fait limite au regard du travail à réaliser. 3m€ de plus, avec un petit record à dénicher dans les données de l’open data de la CDC : un BC de 2 heures, à 1200€ de l’heure…

Si l’on se tourne du coté du contenu du catalogue, les “erreurs de communication” et la volonté de tromper le bénéficiaire se font concurrence au catalogue : absence de mention de 3 phases du bilan, absence de synthèse, absence de suivi à 6 mois rencontrent des offres de formation à la conduite de bilan, des offres de développement personnel des plus exotiques ou encore des offres dites 24h00 comportant pour plus de 70% du temps du travail personnel asynchrone, face écran et du visionnage de vidéos standards.

En outre, l’offre BC référencée en présentiel est constamment polluée de présences virtuelles, nombre d’organismes de formation ne disposant pas d’établissement secondaire aux adresses mentionnées : pas de SIRET associé à ces adresses au Kbis. Le référencement est ainsi démultiplié sur des centres d’affaires, ou sur des adresses personnelles de sous traitants en micro entreprise totalement dépendants du certificat qualiopi du donneur d’ordre : une gestion du risque “ceinture bretelles”, qui contribue également à orienter les bénéficiaires vers des prestations en distanciel, distanciel dont le cout moyen aura rejoint, en moins de trois ans celui des prestations délivrées en présentiel…il faut bien financer le marketing digital, les avocats et le lobbying.

La charnière commune des cahiers des charges des Fongecifs en termes de qualification et formation des prestataires, exigeant expérience et niveau de diplôme ayant volé en éclats, la porte est ouverte à toute personne désireuse d’accompagner l’autre, sans plus de qualification, si ce n’est, au mieux, des formations de moins d’une semaine dont le montant sert bien souvent de droit d’entrée dans un réseau de franchise. En même temps, le CEP recrute à bac+2, sans expérience professionnelle…

Il aura fallu plus de 3 ans pour édicter des règles de référencement spécifiques à l’offre bilan de compétences sur MCF, lesquelles laissent encore apparaitre des zones d’incertitude et, si le volume d’offres semble se réduire depuis Mars 2023, de 25 000 à moins de 20 000 en juin, et en dépit de moyens colossaux, la CDC semble bien faire face au tonneau des danaïdes équipée d’une petite cuillère. 

La CDC s’est dotée, depuis fin 2022, de nouvelles barrières à l’entrée du CPF, principalement au motif des fraudes (dont le montant avéré est à rapprocher du budget global du CPF), fraude qui sont probablement le principal contributeur à la notoriété du CPF auprès des Français. Coté titulaires avec FC+ : un véritable calvaire pour les populations étanches au numérique. Coté OF, avec une procédure de référencement qui constitue au passage une véritable claque au RNQ. La certification Qualiopi, seul impératif initial est devenue nécessaire, mais plus du tout suffisante pour accéder au fond mutualisé spécifique qu’est le CPF…il faut certainement miser sur l’extension de ces règles à d’autres fonds mutualisés, voir aux fonds privés, par capilarité. Et les opérateurs déjà référencés, quelles que soient les prestations délivrées via le CPF, seraient bien mal inspirés de changer de SIRET : le délais pour recouvrir un référencement au catalogue après un changement de SIRET est tel que nombre d’entre eux ne peuvent plus contractualiser pendant plus de 8 semaines et mettent en péril leur trésorerie. Et l’on sait parfaitement qu’une prestation perdue est…perdue.

Au delà de ces constats, après 10 versions des CGU, une CDC dotée de moyens humains, légaux et financiers véritablement extra-ordinaires depuis l’hiver 2022, 7 versions du guide de lecture du RNQ, un nouveau texte sur la certification Qualiopi – et passons sur les efforts incommensurables des institutionnels pour router les salariés vers le CEP – où en sommes nous ? 

A l’heure où les instances dites représentatives de la formation professionnelle se pressent au ministère pour atténuer les effets d’un décret sous traitance redouté par les uns et ardemment réclamé par les autres,  à l’heure où le ministre Lemaire produit sa troisième sortie sur le thème d’un RAC à 30% en dépit des études sur l’usage du CPF, (CDC, DARES…) et auquel répond le silence son homologue Grandjean, bref, alors qu’on ne cesse de vouloir réduire l’usage du CPF autant par l’offre que par la demande, il semble bien que le gouvernement et les élus aient totalement perdu le nord : on ajoute joyeusement au financement CPF d’autres permis de conduire, dont la moto.

Avec un RAC à 30%, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui laissait entendre par son énoncé qu’il s’agissait de la liberté du titulaire du compte CPF prend un tour évident : il s’agit de la loi pour la liberté du SPE et des employeurs de choisir l’avenir professionnel de ceux qui en dépendent. La liberté demeurant tout à fait intacte pour ceux dont les moyens permettent de n’en pas dépendre et qui ne sont pas ceux pour lesquels il est le plus vital de faire évoluer les compétences. 

Bref, l‘année 2023 semble à nouveau se présenter comme l’année de tous les dangers pour les centres de bilan de compétences. Et tout ceci en assistant aux célébrations joyeuses des louanges du dispositif, des acteurs et institutions à chaque occasion possible dans les salons et sur les réseaux sociaux, chacun apparaissant, tout sourire, convaincu qu’il fait du bon boulot.

DAVID ZOUTE – juin 2023